Pourquoi d'un coup ce regain d'intérêt pour le Darwinisme et le créationnisme ?

A cause des journalistes ! Et c'est très bien ! L'opinion publique française ne serait pas au courant de cette polémique américaine si les journalistes ne s'en faisaient pas l'écho depuis quelques mois. Cet intérêt est porté par les médias et pas par le public... Mais je m'en réjouis car il est important d'en débattre. Cette discussion ne tombe pas du ciel. Elle est un fruit de l'histoire….

Rapidement, pouvez-vous nous dresser un historique du créationnisme ?

Il y a trois étapes. La première se situe en 1859 avec la publication par Darwin de "L'origine des espèces". Les réactions à cet ouvrage furent diverses en fonction des pays. Aux États-Unis, on assiste à la naissance du mouvement créationniste, au sein des églises protestantes. L'objectif est simple : il s'agit de faire en sorte que l'évolution ne soit pas enseignée dans les écoles, au nom de la défense totale de la Bible. Cela dure un siècle, jusque dans les années 1950. A partir de cette date, les États-Unis lancent des programmes d'enseignement techniques, de sciences, de biologie moderne, de génétique.

Les créationnistes ne peuvent plus tenir. Ils changent de stratégie, reconnaissent une science de l'évolution et lui opposent une science de la création. Ils exigent un traitement équilibré dans l'enseignement et que la science de la création soit enseignée en cours de science au même titre que celle de l'évolution. Tout en sachant que cette science de la création est officiellement fondée sur la Bible. Troisième étape : l'émergence, depuis une dizaine d'année, du courant ID (Intelligence design). Si la référence scientifique a pris encore de l'importance, il n'est plus question de Bible forcément, mais de l'existence d'une intelligence supérieure. Quelle qu'elle soit. Ce qui nous éloigne du créationnisme proprement dit. On affirme l'existence d'un dessein supérieur, ce qui n'est pas nouveau. Dans notre tradition religieuse, on appelait cela la théologie naturelle. Cette évolution est intéressante….

Quel est le lien le lien entre théologie naturelle et théologie révélée ?

C'est une vieille question dans l'histoire du christianisme. La théologie naturelle a été très combattue hier par Luther, aujourd'hui encore par Karl Barth. Les catholiques par contre ont largement défendue la théologie naturelle, reprenant les thèses de Thomas d'Aquin. Le concile Vatican I réaffirme l'importance de la théologie naturelle. Cette vieille question est d' actualité car la théologie naturelle se base sur l'observation, la théorie de la nature. Cette connaissance de la nature a tellement changé que la théologie naturelle a aussi changé dans sa manière de dire et cela a des conséquences sur la façon dont nous regardons le monde et de se situer comme croyant . Nous pouvons trouver dans les tenants de la théologie ID, en français d'une théologie naturelle, de quoi réfléchir et travailler.. Même si cette théologie me semble un peu faible.

Comment se situe ici le Darwinisme ?

Aujourd'hui, on n'a pas trouvé autre chose que le darwinisme pour travailler. Il y a encore énormément de zones d'ombre dans l'évolution. Certains pensent avoir trouvé mieux, comme les partisans de l'ID. Mais les éléments avancés ne semblent pas pertinents aux yeux de la communauté scientifique. Ils critiquent beaucoup le darwinisme mais développent peu d'éléments intéressants. Tous les scientifiques ne rêvent que d'une chose : c'est qu'il y ait un nouveau Darwin qui puisse aller encore plus loin dans la compréhension du monde !

On entend souvent dire que le darwinisme est incompatible avec la foi

Ne mélangeons pas les discours ! Ne mélangeons pas les plans de la conviction religieuse avec le plan de la raison, de la science et de la méthodologie. Le scientifique a un certain nombre d'outils qu'il connaît et avec ça il explique une certaine réalité. L'hypothèse Dieu n'a pas à être introduite. Si, parce que je ne sais plus expliquer, j'introduis un "deux ex machina", ce n'est pas de la science. Et c'est incompatible avec la manière dont on considère la religion.

Pour vous, qui êtes religieux, comment conciliez-vous votre foi avec la pratique de la science ?

Il n'y pas de problèmes. On est face à beaucoup mystères et d'ignorance. La science ne peut pas tout savoir de la réalité. Certains scientifiques refusent ce constat mais la plupart le reconnaissent. La science peut approcher la réalité, mais nous ne la possèderons jamais pour la bonne raison que nous appartenons à cette réalité. Bien sûr, il faut multiplier les outils de la raison, mais la foi n'est pas de ce ressort.

> Lire « La création divine a une dimension cosmique »

La foi c'est dire "je crois, je m'engage". C'est un autre registre qui n'est pas incompatible avec la raison. Ce que disent les neurosciences aujourd'hui peuvent nous mettre mal à l'aise, tout ce que nous avons en commun avec les primates peut nous faire rire jaune, mais cela doit aussi nous intéresser. La science est une manière noble de se connaître soi-même… Peut-être que des espaces de liberté semblent diminués, mais nous sommes encore plus responsable de cette liberté. On la tient entre nos mains. La science rend les choses plus intenses.

Nous fêtons Noël dans peu de jours. Que vous inspire ce mystère de l'Incarnation ?

Noël c'est une brèche dans l'histoire. C'est un événements unique au regard de notre histoire humaine. Ce jour là Dieu se fait homme, et cela nous invite à relier création et rédemption. Cela nous invite aussi à voir que la création est en état de cheminement. Elle n'est pas un événement du passé, une chiquenaude initiale. Nous venons de quelqu'un d'autre, d'une parole et nous sommes en chemin, avec notre part de liberté.