Ces périodes sont tellement éloignées dans le temps que l’on a très vite compris qu’Isaïe ne pouvait être l’auteur de l’ensemble du livre. De façon assez classique, on distingue le premier Isaïe (ou «proto Isaïe»), qui couvre les 39 premiers chapitres, le second Isaïe (ou «deutéro-Isaïe») qui commence au chapitre 40 pour s’achever au chapitre 55 et enfin le troisième Isaïe (ou «trito-Isaïe) qui comprend les chapitres 55 à 66.

La première partie (chapitres 1 à 39) recueille des prophéties qui ont eu lieu «à l’époque où Osias, Yotam, Achaz puis Ezéchias étaient rois de Juda» (1, 1), soit entre 781 et 687 avant Jésus Christ. Après une période d’accalmie des puissances proches, l’Assyrie devient menaçante. Le prophète lit dans l’histoire qui se déroule sous ses yeux l’action de Dieu qui punit son peuple infidèle afin de le corriger et de le ramener à lui. Les alliances et les défaites sont autant d’occasions de mettre en garde le roi et le peuple contre des calculs purement humains et de court terme. Peu à peu, face à l’effondrement de tout espoir – Samarie est prise en 721 et Juda paie tribut en 701 - apparaît la promesse messianique qui défie tous les temps, toutes les puissances et tous les calculs.

La seconde partie (chapitres 40 à 54) est aussi appelée «livre de la consolation d’Israël». Nous sommes désormais au temps de l’exil, après la prise de Jérusalem en 587 par les armées du roi Nabuchodonosor. Babylone a remplacé l’Assyrie mais la ville est prise, les habitants ont été déportés et vivent en exil dans la capitale ennemie. Face à cette défaite radicale, le prophète assure que le Dieu d’Israël continue à veiller sur son peuple. Ce Dieu n’est d’ailleurs pas seulement le Dieu d’Israël mais celui de tout le genre humain. Le monothéisme universel s’affirme et l’attente messianique se précise : celui qui était déjà décrit dans le premier livre comme «un enfant né d’une femme» (Isaïe 7, 14), devient le serviteur mystérieux décrit dans quatre petits tableaux poétiques que l’on appelle les «chants du Serviteur» (Isaïe 42, 1-7 ; 49, 1-6 ; 50, 4-9 ; 52, 13-53, 12). De façon tout à fait déroutante, ce serviteur n’a aucun des attributs de la puissance royale ou divine, bien au contraire : il semble tirer sa puissance de sa fragilité et de son humilité.

Enfin la troisième partie (chapitres 55 à 66) concerne la période qui suit le retour d’exil, soit entre 537 et 520. Les Juifs reviennent dans la province de Juda. Pourtant ce retour si longtemps attendu, espéré comme un aboutissement, s’avère bien plus difficile que prévu. Les nouveaux arrivants sont considérés par ceux qui sont restés au pays comme des usurpateurs. Le prophète doit, une fois de plus, redonner l’espérance, réconcilier, apaiser. Il reprend, console, admoneste mais, surtout, il fait briller Jérusalem comme la ville du Dieu, le phare de toutes les nations, le lieu de l’espérance eschatologique.

Ainsi, face à l’effondrement successifs de tous les espoirs terrestres, face aux querelles internes, l’auteur du livre d’Isaïe trouve dans la foi une réponse originale : Le Dieu d’Israël se révèle et s’affirme comme le Dieu des nations, un Dieu plus «éthique» que politique, qui se laisse chercher par l’homme droit et juste, qui se révèle dans le faiblesse et se vit dans l’espérance d’un salut pour tous les hommes.