Les trois premiers chants

Ce n’est pas la puissance qui le caractérise dans le premier chant mais l’élection et l’humilité. «Il ne criera pas, il ne haussera pas le ton, on n'entendra pas sa voix sur la place publique. Il n'écrasera pas le roseau froissé, il n'éteindra pas la mèche qui faiblit, il fera paraître le jugement en toute fidélité.» (Isaïe 42, 2-3).


Le deuxième chant creuse cette révélation : le secret du Serviteur réside dans son élection. Lui qui a été « formé dès avant la naissance » (49, 5) et qui a été «appelé dans le sein de sa mère» (Isaïe 49, 1) proclame : «ma force, c’est mon Dieu» (49,5). C’est cet unique appui qui permet au Serviteur d’espérer contre toute espérance, de persévérer malgré la souffrance, comme le troisième chant l’affirme : «Le Seigneur Dieu m'a ouvert l'oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. J'ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m'arrachaient la barbe. Je n'ai pas protégé mon visage des outrages et des crachats.» (Isaïe 50, 5).

Quatrième chant

Ce cheminement de la Révélation permet au quatrième chant de présenter le Serviteur non plus seulement comme l’élu qui met sa confiance en Dieu, non plus seulement comme l’homme qui préfère être fidèle à Dieu, quitte à affronter la souffrance, mais comme celui dont la souffrance devient un instrument de salut pour tous : «Il était méprisé, abandonné de tous, homme de douleurs, familier de la souffrance, semblable au lépreux dont on se détourne ;et nous l'avons méprisé, compté pour rien. Pourtant, c'étaient nos souffrances qu'il portait, nos douleurs dont il était chargé. Et nous, nous pensions qu'il était châtié, frappé par Dieu, humilié. Or, c'est à cause de nos fautes qu'il a été transpercé, c'est par nos péchés qu'il a été broyé. Le châtiment qui nous obtient la paix est tombé sur lui, et c'est par ses blessures que nous sommes guéris.» (Isaïe 53, 3-5).


On a longtemps cherché à savoir qui pouvait être ce «serviteur souffrant». Un prêtre de retour d’exil en butte à l’inimitié de ceux qui sont restés au pays et qui pourrait être le prophète lui-même ? Une figure du peuple d’Israël lui-même ? Sans doute. Quoi qu’il en soit, le portrait dessiné par le troisième Isaïe ne pouvait manquer de frapper les premiers chrétiens, à commencer par les évangélistes. Qui mieux que Jésus incarne cette figure inhabituelle ?