Le jeudi Saint est un jour de séparation mais aussi de consolation.
Trois moments le rythment de leur sobre profondeur : l'annonce du passage vers le Père : "Sachant que son heure était venue de passer de ce monde au Père" (Jean 13, 1), l'entrée dans le don de soi par le lavement des pieds : "Si je ne te lave pas, tu n'as pas de part avec moi" (Jean 13 8), la promesse d'une éternelle présence qui nous façonne indéfiniment : "Si donc je vous ai lavé les pieds, moi le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres". (Jean 13, 14)

Tout le dévoilement du mystère de l'incarnation

Sous la discrète formulation d'un repas, d'un geste attentif de serviteur, d'un dernier conseil à des amis, s'offre tout le dévoilement du mystère de l'incarnation : ce déploiement de la miséricorde de Dieu venu à nous sous l'humble manteau d'humanité du Christ. Il n'y a plus dès lors de questions, mais des réponses évidentes, éblouissantes de foi, d'amour et d'humilité dans la douceur du Christ consentant au seuil de l'abîme de la mort. Et la liturgie vient nous redire dans les signes tangibles du rite du lavement des pieds, de la procession des offrandes et du dépôt du Saint-Sacrement au reposoir cette inversion du malheur qu'annoncent les trois jours de séparation, de souffrance et de silence du Triduum pascal.

Il faut vivre patiemment et dans la confiance, cet arrachement au Christ, cette descente amère vers l'absence pour retrouver en nous la virginité de la présence de Dieu : "Je suis celui qui est, qui était et qui vient, le Tout-Puissant", crie le Livre de l'Apocalypse (1,8) et nous nous devons redevenir "cette intelligence simple et humble" qui "est le petit pain cuit sous la cendre exigé de nous par le Christ", comme l'écrivait Guigues II le chartreux au XIIe siècle dans une de ses méditations sur la pauvreté de l'homme (Sources Chrétiennes, Paris, 2001, p.141). Car sans cette acceptation du don qui va nous sauver, ce bouleversement de la mort et de la solitude, il n'y aurait que le sommeil de l'Esprit en nous, jamais éveillé.

> A lire aussi : Lecture du Jeudi saint : une méditation du moine, Enzo Bianchi
> A lire aussi : Jeudi saint : notre dossier sur le jeudi précédant la fête de Pâques