Le Jeudi saint, l’Église rappelle le dernier repas du Christ, au cours duquel Jésus institue l’eucharistie (selon les trois évangiles synoptiques) et lave les pieds de ses disciples (selon l’évangile de Jean). Au cours de la liturgie de la Parole, les trois lectures tirées des Écritures guident le travail de mémoire des chrétiens.

Jésus, l’agneau sans défaut

La première lecture est tirée du livre de l’Exode, qui raconte la première Pâque, le repas du peuple hébreu la veille au soir de sa fuite hors de l’Égypte. Ce soir-là, selon les instructions du Seigneur à Moïse, un agneau « sans défaut » est immolé et son sang marque la porte des maisons où il sera mangé. « Ce jour-là sera pour vous un mémorial », précise le Seigneur.

De manière analogue, au soir du Jeudi saint, Jésus partage avec ses disciples du pain et du vin en leur disant : « Ceci est mon corps », « Ceci est mon sang », et leur demande d’en faire mémoire désormais. La deuxième lecture est un texte de saint Paul. Il explique aux chrétiens de Corinthe comment Jésus a institué l’Eucharistie et leur dit : « Chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne. » (1 Co 11, 26)

Le banquet où tout homme est invité

Dans certaines paroisses, on a coutume de prolonger l’autel par une grande table ornée d’une nappe blanche, de bouquets de fleurs et de chandelles. « Tous sont invités à s’asseoir à la même table, la table eucharistique, mais aussi la table du banquet eschatologique, celle des noces de l’Agneau (un symbole qui sera repris tout au long de ces liturgies pascales), celle où tout homme est convié », explique le P. Michel Wackenheim, ancien responsable de la liturgie pour le diocèse de Strasbourg, sollicité par Croire. « Attention cependant à utiliser l’autel habituel comme départ de la grande table. C’est bien là le sens profond de son “déploiement”. » Il estime que cette table, qui réunit toute la paroisse, est également « signe de la réconciliation : elle est le lieu où s’exprime le pardon des pécheurs et la gratuité de l'amour ».

Le signe visible de l’amour

L’évangile lu ce jour-là est le récit que saint Jean fait de ce dernier repas. Lui ne parle pas de l’eucharistie, mais il raconte que Jésus a lavé les pieds de ses disciples en leur demandant de se mettre eux aussi au service des autres.

C’est pourquoi, le Jeudi saint, une vasque pleine d’eau est posée au pied du lectionnaire. Après l’homélie, le prêtre lave les pieds de quelques membres de l’assemblée. Pour le P. Wackenheim, ce rite est « le signe visible du “don parfait de l’amour” ». « En accomplissant le rite du lavement des pieds, il ne s'agit nullement de mimer l'évangile ; il s'agit au travers de ce geste symbolique de faire pressentir ce qu'est cet amour fou de Dieu pour l'homme. »

Un adieu à Jésus

Après la consécration du pain et du vin, les fidèles sont invités plus particulièrement ce jour-là à communier sous les deux espèces. Jusqu’à la nuit de Pâques, du samedi au dimanche, on ne célébrera plus l’eucharistie. À l’office du Vendredi saint, on communiera avec le pain et le vin consacrés ce soir-là.

À la fin de la messe, la cérémonie n’est pas achevée. On plie soigneusement la nappe de l’autel et de la table, et on la dépose au pied de la Croix. Elle symbolise le linceul dans lequel le Christ sera inhumé. Les images et les croix de l’église sont recouvertes de voiles violets. Le Saint-Sacrement est porté en procession, solennellement, jusqu’au reposoir, et les fidèles sont invités à prolonger la soirée par une adoration silencieuse qui se clôt à minuit. C’est le Christ vivant que l’on adore : il ne s’agit pas d’une veillée funèbre. C’est une soirée d’adieux, avant l’arrestation et la Passion. Même si des temps douloureux s’annoncent, Jésus promet sa présence à l’avenir dans le pain et le vin consacrés, ainsi que dans les gestes que les fidèles poseront pour les autres.