« Le temps d’Élisabeth fut accompli, et elle mit au monde un fils. Jean est son nom. Et les gens disaient : Que sera cet enfant ? Car la main de Dieu est sur lui. »

N'est-il pas écrit : « Le don le plus grand est que nous soyons enfants de Dieu, et qu'il engendre en nous son Fils. »

L'âme qui veut être l'enfant de Dieu ne doit rien engendrer d'autre en elle que le Fils de Dieu lui-même. Le plus noble désir de Dieu est d'engendrer ; et il ne peut être satisfait avant d'avoir engendré son Fils en nous. Comment l'âme serait-elle satisfaite de son côté si le Fils de Dieu ne naît pas en elle ?

Jean Baptiste, humble précurseur du Christ

C'est alors que jaillit la grâce, répandue par Dieu… Lors donc que le temps fut accompli, Jean, « don de Dieu », naquit.

Quand le temps est-il accompli ? Quand il n'y a plus de temps… pour celui qui, dans le temps, a mis son cœur dans ce qui est éternel, c'est la plénitude du temps. (Christ est formé en lui).

Celui-là ne peut se réjouir en tout temps (comme le recommande saint Paul) qui se réjouit seulement dans le temps. Celui-là seul qui se réjouit au-dessus du temps, peut se réjouir en tout temps. Trois choses font obstacle à l'homme pour qu'il reconnaisse Dieu : la sujétion intérieure au temps, au corps et à la multiplicité des choses. Tant que le cœur est esclave de ces trois choses, Dieu ne peut engendrer son Fils en toi… C'est l'avidité du cœur qui fait qu'il veut saisir et posséder beaucoup de choses, mais il perd ainsi précisément ce qu'il cherche à posséder.

Tout le temps qu'il y a en toi, avec tout ce qui le remplit, fait donc que Dieu ne peut habiter ni engendrer son Fils en toi. Tout doit sans cesse sortir de toi pour que Dieu puisse entrer (et y engendrer son Fils). Quand en effet nous dépassons le temps et tout ce qui le remplit, alors nous sommes libres, toujours joyeux : c'est alors pour nous la plénitude du temps, le Fils de Dieu naît en nous.

Maître Eckhart, Sermon 11 (Lc 1,57s), Seuil, 1974.

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