Au temps de Bach, un oratorio de la Passion était exécuté chaque année à Leipzig lors des vêpres du Vendredi saint. La Passion était exécutée en deux parties, séparées par une prédication durant environ une heure. La cérémonie durait près de cinq heures. A cette époque, il ne devait pas y avoir de musique avec voix et instruments, durant les trois derniers dimanches du Carême précédant Pâques. Bach rompt cette tradition avec sa Passion selon saint Jean.

Passion selon Saint-Jean BWV 245a

Bach traite la Passion selon saint Jean à la façon d’un opéra sacré. Les autorités de Leipzig lui ont demandé de composer une musique « de nature qu’elle ne paraisse pas sortir d’un théâtre, mais bien plutôt qu’elle incite les auditeurs à la piété ». Mais le récit de la passion et de la mort du Christ lui tient à cœur, il crée alors des récitatifs pour chacun des acteurs du drame : Jésus, Pilate, Pierre, la servante, les gardes accompagnant Judas, la foule du peuple, des grands prêtres et des Juifs.

Chaque chanteur chante à la première personne pour que l’auditeur puisse participer au drame en tant que personne. Ainsi, après le reniement de Pierre (Bach emprunte un passage de l’évangile de Matthieu), le ténor clame son désarroi. Le ténor est traditionnellement la voix du pécheur meurtri par ses fautes. A ce moment, l’auditoire devient Pierre trahissant sa foi. De même, au moment de sa mort, Jésus prononce ses derniers mots, « Es ist vollbracht [Tout est accompli] ». Le texte évangélique se poursuit, disant qu’il incline la tête et meurt.

Mais le formidable instinct dramatique de Bach le fait interrompre le récit après ces derniers mots. Il enchaîne avec un air bouleversant chanté par une voix d’alto. Cet air en si mineur traduit une profonde souffrance, c’est la voix de l’âme affligée. Puis subitement, la tonalité change, se transforme en ré majeur, s’anime, une sorte de fanfare se fait entendre : l’âme se ressaisit et proclame sa foi en la victoire à venir de la résurrection.

Après cette interruption, le récit évangélique reprend avec le choral final où chanteurs comme auditoire se retrouve près du tombeau de Jésus. Dans les dernières mesures, on sent déjà poindre la lumière du matin de Pâques.

Écoutez la Passion selon saint Jean

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